Une tentative de dépollution culturelle

Les coopératives et leur éventuelle utilisation révolutionnaire

Notes et remarques
sur une/les expériences de gestion collective

Ce texte n’est pas une présentation de la Librairie Bazar Coopérative, mais une tentative d’analyse critique de son vécu. Sa rédaction n’a pas fait l’objet d’une discussion au sein des "institutions.démocratiques" de la L, B, C, Aussi, n’engage-t-il que les individus y ayant collaboré. Et il s’insère dans un travail plus général sur le mouvement coopératif dont il n’est qu’une illustration.

" Dans toute situation historique concrète les éléments matériels structuraux ne sont pas complètement recouverts par le discours social sans subir un certain degré de mystification, mais la définition que les hommes en donnent, à un niveau symbolique, de leur propre situation . est un élément de plus de 1a situation, c’est-à-dire, i1 est réel dans ses conséquences :"
" ... au niveau du discours social aucune rupture n’est totale parce que toute formation théorique ne peut que travailler avec les éléments de sa situation historique particulière ; le projet révolutionnaire ne peut pas échapper aux limites structurales que le système établi impose à la compréhension,"

Eduardo COLOMBO

In " Quelques réflexions sur les relations entre l’idéologie et la composition sociale du mouvement anarchiste" (texte de préparation pour une rencontre du C.I.R.A.)


Pourquoi prendre comme exemple la L.B.C. ?
- D’abord parce que notre présence au sein de cette expérience nous place en position priviligiée,
- Ensuite, au sein méme de la L.B.C. plusieurs courants d’idées sur la gestion collective s’affrontent régulièrement,
- Et surtout, parce que en tant que vécu, elle nous permet de quitter l’abstrait pour une pratique quotidienne en prise avec le monde extérieur (système capitaliste) sur plusieurs niveaux ; financier et économique ; la gestion idéologique ; la consommation culturelle

Les faits et leur signification

Le choix de la formule légale pour les statuts de la librairie met déjà l’accent sur le caractère du projet : une coopérative.

Il faut bien dire que les arguments en faveur de cette formule sont doubles.
D’abord, les obligations légales sont moins lourdes
au niveau financier. Il suffit d’un capital de lO 000 frs et le nombre des sociétaires (coopérateurs) est illimité, ce qui permet de constituer au cours de 1a vie de la coopérative un capital. A l’usage ceci se montre illusoire
car le capital est le nerf moteur de l’affaire ; c’est lui qui permet l’achat du fonds de commerce ou sa location, les investissements et la constitution des stocks nécessaires ; sans lui, le budget se trouve à la fois restreint
et il faudra donc constituer ce capital sur le chiffre d’affaires, ce qui implique en pratique la nécessité de recourir à des emprunts (nous y reviendrons).

Ce qui a surtout retenu 1’attention des fondateurs de la librairie dans un projet coopératif, ce fut l’aspect moral de la formule. Qui dit coopérative, dit gestion collective (ou du moins élargie), participation de tous à la vie de l’entreprise ... C’était reprendre les thèses du du manifeste coopératif de 1921 qui voyait dans les coopératives " des laboratoires d’expérimentation sociale". En gros l’équipe de départ refusait de créer un"espace de liberté" qui aurait figure de société commerciale et donc capitaliste. A noter pour ceux qui désireraient ouvrir une librairie (ou autre chose) que la très pratique loi de 1901 sur les associations n’a ici aucune utilité car il s’agit d’avoir des relations commerciales avec des fournisseurs, d’une part, et d’autre part, que 1a librairie (dans notre cas) soit ouverte à tous, ou plutôt que les non-membres fondateurs puissent y acheter faisant profiter la librairie de leur apport en liquidité.

Partis sur ces bases théoriques et subjectives de gestion collective, les groupes et personnes fondateurs se sont d’abord affrontés sur un premier sujet : faut-il ou ne faut-il pas
pour gérer la L.B.C. un ou des permanents ?

Le grand réve de l’autogestion allait enfin voir le jour. Plus de salarié et plus de "spécialiste" (fussent-ils ouvriers qualifiés...). Donc gestion collective par assemblée permanente. La beauté du désir ne doit pas pourtant masquer les graves menaces d’un tel procédé.

Cette idée après maints débats fut repoussée et il fût décidé qu’il y aurait un ou deux permanents rémunérés ou bénévoles qui n’auraient pour rô1e que d’assurer la coordination et d’étre présents. Tout le travail quotidien de mise en fiches des livres, du rangement (livres, brochures), présence à la caisse, animation de discussion, attribution de secteurs précis comme s’occuper de l’artisanat, des vitrines, du ménage ...tous ces travaux étaient donc partagés entre tous les volontaires fondateurs ou non, coopérateurs ou non ,..Les instances légales de décision : le conseil d’administration , n’ayant aucun pouvoir sinon celui de ratification des délibérations du conseil de gestion ouvert à tous. C’est lui qui devait résoudre les problèmes concrets et prendre en charge l’animation.

Dans les faits, il s’est avéré que les travaux d’aménagement ont été faits par un permanent aidé, non par des membres des groupes fondateurs, mais par de futurs utilisateurs alors apprentis qui désertaient l’atelier pour venir scier ou peindre à la librairie. Ajoutons aussi, que le gros oeuvre de nettoyage,
lessivage, peinture des murs et des plafonds est dut aux services détournés d’un innocent chantier du S. C. I (Service civil international). Il faut préciser pour être objectif et précis que ces travaux ont été effectués fin aôut, début,septembre ; l’autogestion (ou l’utopie) ne doit pas gâcher quelques jours de précieuses vacances.

Dans 1a pratique, 1e conseil de gestion consistait en une sorte de réunion de travail entre permanents et quelques personnes fortement motivées. Mais cette dégénérescence d’un mécanisme démocratico-autogestionnaire n’a rien d’étonnant .

Si les premières séances du dit conseil firent salle comble, les sujets à débattre n’étaient pas des plus passionnants : organisation, entretien... D’autre part, les personnes venant assister au conseil de gestion étant toutes (dans leur majorité) salariées, ne pouvaient dans la journée venir à la librairie donner un coup de main. Seuls des individus sans préoccupations professionnelles avaient la disponibilité requise : c’est donc la fraction marginale qui nous a le plus aidés avant de devenir (pour de multiples raisons qui ne sont pas du ressort de ce texte) un poids mort et une tumeur dont il a fallu se débarrasser.

La première conséquence de ce mécanisme fut l’apparition de "permanents " technocrates, Tenir une librairie ( ou faire marcher une machine) est en fin de compte une qualification professionnelle ; l’idéal, pour certains, aurait été que les permanents tiennent au courant du fonctionnement tous ceux qui le désiraient, afin que chacun soit apte à gérer la librairie. Ceci ne relève même pas de l’utopie, mais du fantasme.

Presque toutes les tentatives de participation à la vie de la L.B ;C. sélection des livres, entretien, permanences, présence de membres des groupes ou plus simplement d’individus pour faire l’accueil (discuter sur le choix des livres,.,), presque toutes ont avorté ou même n’ont jamais dépassé le stade de l’idée, du désir...

Ce qui n’empêche pas l’endémie chronique d’un rêve (éveillé) autogestionnaire.
I1 ne suffit pas de décrire , de constater et/ou de déplorer ces faits.., et leur périodicité. Encore faut-il les considérer comme"bbjectifs" et représentatifs d’un certain malaise et désirer en dégager des enseignements sinon des réflexions critiques.

Il est aisé de schématiser la problématique de cette expérience, elle se résume en une question : "Cette évolution, cette dégénérescence du projet initial sont elles évitables ?.Ou négativement cette même évolution n’est-elle pas "logique" et inévitable ?"

Les réponses à cette interrogation sont multiples et se situent à plusieurs niveaux.

Du caractère inéluctable de la situation

Nous pouvons tout de go - et c’est essentiel de le faire - affirmer que l’autogestion d’un secteur particulier au sein du capitalisme moderne étant basé sur des règles implacables d’efficacité, de rentabilité, de profits et de réinvestissements permanents, il ne reste guère de place et de marge à la création, au spontanéisme et à 1a gestion collective.

Les décisions sont à prendre sur le vif. Une planification du travail et sa répartition dans le temps selon 1a disponibilité de chacun nuisent à l’efficacité de celui-ci. Ainsi, s’il fallait attendre en permanence l’éventuelle aide de volontaires
pour effectuer les tâches "nécessaires et impératives", le fonctionnement se trouverait ralenti et ce qui est très grave, les délais d’approvisionnement plus longs, donc toutes les chances d’obtenir des commandes seraient perdues, la concurrence n’étant pas un leurre.

Une trop grande dispersion dans les tâches aboutit à un taux de perte élevé et à une accumulation d’erreurs volontaires ou non.

Par exemple : La mise en fiches des livres a été effectuée comme nous l’avons déjà slgnalé par tout un chacun. Après plusieurs mois de ce système, nous avons constaté un nombre "anormal" d’erreurs, un livre coutant au prix de vente 20 francs sur la facture était mis en fiche à 14 francs, son prix d’achat. I1 faut préciser à 1a déchage des volontaires que les factures des éditeurs relèvent de la fantaisie pure et simple, aucune convention comptable n’étant appliquée. Erreur qui, répétée 10, 20, 30 fois aboutit à une perte sèche impressionnante.

Pour éviter ces erreurs, il aurait donc fallu que le permanent joue 1e rô1e du contremaître, explique à chacun son travail dans le moindre détail, le vérifie, le contrôle...

Mais si ce système de participation aux taches était utilisé, c’était quand même pour réduire le travail des permanents (ou leur permettre de s’occuper d’autre choses), ainsi que leur nombre et leur importance. Le résultat obtenu fut le contraire de 1a volonté initiale = perte (moins de salaire, mais manque à gagner énorme), institutionalisation de permanents contremaitres, perte de temps, rapide lassitude des bénévoles - ras le bol les chefs-). Pour compléter le tableau de cet exemple et pour le plaisir de l’anecdote, notons au passage que certains-bénévoles se proposaient pour le plaisir d’ouvrir les cartons et d’avoir la primeur du contenu et pour lire tranquillement.

Dans le cadre de la L. B, C. (comme surement dans toutes les autres expériences), la première grande embûche rencontrée par la gestion collective est la "loi"de l’efficacité" ou du "rendement" (selon le secteur : consommation ou production) imposée par les nécessités extéüeures : 1e système capitaliste imprime ou plutôt infiltre ses postulats et des contradictions au sein de la gestion collective. Un autre exemple illustre ce phénomène : à la L. B. C. , les permanents jouent à la fois un rSôle d’ouvrier spécialisé et de militant (au sens large du terme). Mais les obligations professionnelles impératives font que le côté militant se réduit au minimum. Très souvent, nous servons de syndicat d’initiative, (hébergements, accueil, renseignements en tout genre) de point de liaisons entre les groupes et les activités qui gravitent autour de la librairie . Et ceci, si nous n’y prenons garde, nous absorbe totalement et le travail quotidien (bureaucratie, commandes, mises en fiches, rangement) en pâtit dangereusement.

L’exemple des autres expériences de gestion collective vont dans le sens de nos constatations. La participation à la gestion pour être réelle et efficace nécessite d’une façon ou d’une autre une structure de groupe coercitive. Le cas de Boimondeau est éloquent ainsi que l’ensemble coopératif de Mondragon. La participation n’est pas spontanée, loin de là, l’autorité si elle n’est pas incarnée par un Barbu (caractère patriarco-paternaliste des institutions coopératives) doit sa force à un recours au pouvoir hiérarchisé. Et d’une façon générale les coopératives ouvrières de production pour se maintenir, renient pratiquement l’esprit de gestion démocratique. Pour faire face aux tâches (imposées par le système) l’appareil de direction se dégage de la base, (A noter dans ce processus le remplacement de l’autorité patronnale par une autorité issue des cadres syndicaux).

Dans certaines coopératives de production, un arsenal complet de dispositions est inclus dans les statuts. Ne pourront devenir associés que les employés ayant travaillé pendant un laps de temps assez long (2 ans) et d’autre part, pour garder le titre et les droits d’associé une présence et une participation minima sont requises.

Si au départ, l’absence de capital est contrebalancée par un apport d’énergie humaine et d’ingéniosité souvent hors du commun, une gestion collective, au fur et à mesure que sa raison d’être passe au second plan ou qu’elle devient plus abstraite, s’alourdit et secrète une orthodoxie lénifiante, un conservatisme de l’acquis.

Du capitalisme et de ses accessoires.

Ignorer ou faire semblant d’ignorer le contexte économique dans lequel nous vivons témoigne d’une immaturité politique déplorable. Créer une société commerciale (librairie, crèche, petite cellule de production : artisanat, ou coopératives en tout genre : produits biologiques...) implique de fait d’entrer de façon "spectaculaire" dans le jeu du système. Ce qui n’est pas forcément une contradiction insoutenable. Mais il faut l’assumer, c’est-à-dire suivre les règles du jeu. S’opposer c’est se rompre l’échine. En suivant les- règles du jeu on découvre
les astuces, les faiblesses, les "contradictions".

Auparavant, il faut se persuader que l’essentiel n’est pas dans la gestion, ni dans la structure que l’on crée. En radicalisant notre analyse, on peut affirmer qu’une perspective uniquement"gestionnaire" est contre-révolutionnaire en ce sens qu’elle résout le problème du capitalisme en changeant les manifestations visibles de celui-ci, en oubliant que "le capitalisme n’est pas un mode de gestion mais un mode de production." (Sur l’idéologie d’ultra-gauche). Si bien qu "’autogérer les entreprises revient à gérer la production capitaliste". (Cette discussion nous semble fondamentale mais nécessite une étude approfondie et trop longue pour entrer dans le cadre de cet exposé ; toutefois, nous pensons que le vécu de la L.B.C. apporte une illustration à cette discussion. (Cf. bibliographie),

Par conséquent, investir de l’énergie et des forces dans une opération purement commerciale est une balourdise. Dans le cas de la librairie (ou plutôt pour une fraction active de ses fondateurs) l’objectif était de créer un pôint de rencontre,. de maturation, de diffusion... Mais pour cela il fallait un support juridique suffisamment solide et efficace. Il ne reste plus qu’à assumer ces charges au mieux. Et si l’objectif premier est absorbé, dilué par les impératifs financiers, la structure perd alors toute sa potentialité et sa signification.

Toutefois l’apprentissage de la gestion n’est pas sans intérét. D’abord dans les milieux révolutionnaires on crache (avec raison) sur le capitalisme et Cie, mais trop souvent les
postillons n’atteignent pas la cible.., car elle a bougé. Autrement dit les révolutionnaires ont une révolution bourgeoise de retard.

- 1- Capital. Crédit. Argent.
A la clef de toutes les difficultés que les tentatives de gestion collective (au même titre d’ailleurs que les autres ) rencontrgnt, se trouve de façon voilée mais omniprésente le spectre du Capital.

L’argent va à l’argent. Avant toute chose il faut constituer un capital qui sera la clé de voute de l’entreprise. De sa valeur et de son importance dépendent la réussite et l’envergure
de celle-ci. Dans le cas concret de la L. B. C, le capital initial est de 1 million d’anciens francs (emprunts) et la participation des groupes fondateurs de 1,5 million pour l’achat du
pas de porte. C’est avec ce million qu’il fallait faire face aux frais d’installation et constituer un stock, soit sur un an, près de 10 millions ; c’est une gageure. Cela équivaut à un accroissement de capital de 1000%. Ceci ne pouvait en aucun cas se produire, ce taux de plus-value étant dément et très certainement jamais atteint même aux plus beaux jours de la révolution bougeoise du XIXèmè siècle.(Cf. Owen). Méme s’il demeure un étre mystérieux pour beaucoup, le capital est une réalité douloureuse et anaréobique (pour ne pas dire underground...). La limite interne du capital est le capital lui-même. Tout revient à lui.

Pour revenir sur terre et plus spécialement à la L.B.C., notons que l’insuffisance du capital de départ a dû être comblée par l’importation de capital extérieur sous forme de crédit (emprunts). Ce mécanisme est primordial dans le système capitaliste actuel. I1 y a eu transfert d’un capital privé à un capital abstrait et collectif. D’une certaine manière c’est la banque qui tient tout le système. Nous pouvons reprendre à notre compte ce passage de l’Anti-Oedipe (p. 273) : "il est malheureux que les économistes marxistes en restent trop souvent à des considérations sur le mode de production et sur la théorie de la monnaie comme équivalent général telle qu’elle apparâit dans la première section du capital, sans attacher suffisamment d’importance à la pratique bancaire, aux opérations financières et à la circulation spécifique de la monnaie de crédit (tel serait
le sens d’un retour à Marx, ’a la théorie marxiste de la monnaie.).

Ceci en regard du vécu de la L.B.C, et du quotidien (importance de la vente à crédit.., et ses ravages dans les milieux sous-scolarisés pour qui achats désordonnés = impossibilité de payer = saisies sur le salaire) revêt à. nos yeux une importance primordiale. La main mise sur la société (structures et individus) s’opère au moyen de l’argent. "La circulation de l’argent, c’est le moyen de rendre la dette infinie ...cette dette devient dette d’existence, de l’existence des sujets euxmêmes" (1’Anti-Oedipe p.-234) Le vrai flic c’est le fric : fric= flic. "C’est la monnaie et le marché, la vraie police du capitalisme" (id. p. 284)

- 2 - La comptabilité.

Elle "devient d’autant plus nécessaire que la production s’effectue sur une échelle sociale et perd son caractère purement individuel. ; donc plus nécessaire dans la production capitaliste que dans celle, disséminée, des artisans et des paysans, plus nécessaire dans 1a production communautaire que dans la production capitaliste. Mais les frais de la comptabilité diminuent avec la concentration de la production, à mesure que la comptabilité devient sociale". (Marx in Le Capital).

Effectivement une société complexe fortement diversifiée ne peut s’en passer. La comptabilité est l’infrastructure nécessaire de toute société développée (commerce, industrie...)
Cependant, elle doit être considérée avec un regard moins idéaliste. En tant qu’infrastructure elle joue son rôle : celui de substitut du capital. Elle répercute dans toute la vie économique le carcan de celui-ci. Son attribut principal étant la fiscalité et le contrôle ; mais en réalité elle propage l’idéologie du capital dans toutes les ramifications de la vie sociale. Celle-ci se caractérise par une succession sans fin d’échanges. A chaque étape elle est présente et intronise les règles du capitalisme : bureaucratie (paperasserie), travail fastidieux et fortement hiérarchisé (du gratte-papier à l’expert, surplus improductif de travail (anti-production). C’est par le biais de la comptabilité et de la fiscalité que les coopératives réintègrent le système.

Dès qu’elles acquièrent une certaine importance,(même infime par rapport à une petite entreprise capitaliste), une coopérative (ou une entreprise se voulant autogérée) est obligée d’appliquer les schémas comptables sous peine de ne pas dépasser le terme du premier exercice (temps écoulé entre l’ouverture et le premier bilan). De plus, depuis l’institution et la généralisation de la T.V.A., chaque entreprise devient à son échelon agent intermédiaire du fisc et ceci est absolument inévitable. L’exemple de coopératives agricoles est très démonstratif, Avant l’essor des coopératives agricoles, la paysannerie bénéficiait d’une situation archaique certes mais presque complètement en marge de la fiscalité. Avec les groupements d’achats coopératifs, les silos, et autres organes coopératifs, l’Etat
a pu au moyen du contrôle fiscal avoir un regard direct sur les transactions agricoles.

I1 nous semble important d’insister sur le rôle idéologique de l’infrastructure comptable, car dans l’éventualité d’un changement de société, il ne faudrait pas réintroduire un système comptable coercitif, hiérarchisé et bureaucratique (cf. socialisme étatique). Donc, nécessité de redéfinir et de réinventer une comptabilité compatible avec une économie de Conseils. (Introduction d’une réflexion sur la planification et du rôle de l’informatique au sein de celle-ci).

DIGRESSION . On voudrait voir actuellement dans les coopératives un moyen d’organiser la marginalité. ("Je conçois les coopératives comme une structure parallèle de diffusion noncommerciale des productions non-intégrées vers des non-consommateurs"..,) réflexion d’un lecteur du texte de l’Anarcho-syndicaliste, de donner une dimension économique au troc.
Affirmons péremptoirement qu’à partir du moment où un ;groupe d’individus veut élargir son cercle d’échange spontané (troc, don, récupération) et ouvrir vers l’extèrieur son activité par le biais d’une coopérative ou autre, il détruit automatiquement sa propre volonté de changement et ceci de deux façons :

- a)- L’opération réussit et ils sont obligés de rentrer dans le jeu du système : comptabilité, formalisme démocratique, imp8ts, charges,.,
- b)- L’opération échoue pour les mêmes raisons avancées ci-dessus et ils se retrouvent avec une faillite sur les bras.

La marginalité et le troc ont leur propre champ d’application souterrain et parallèle. En sortant de son ghetto, le troc se détruit. S’il a une valeur individuelle (survie) et morale (solidarité) il ne peut , hélas, formuler de prétentions économiques subversives. Sa révolution(nécessaire) est d’ordre culturel, idéologique mais non économique. Un retour à une telle conception sociale (troc) relève non pas de l’utopie mais de la régression,

- 3 - Du formalisme démocratique.

Le propre d’une coopérative est d’être gérée par des administrateurs élus par l’A,G, des coopérateurs. Cette assemblée joue un rôle évident lors de la constitution du premier conseil d’administration. Les administrateurs sont élus pour trois ans "renouvelables par tiers tous les ans et ils sont rééligibles". Ils sont investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société, ils les exercent dans la limite de l’objet social et sous réserve de ceux attribués par la loi aux assemblées d’l’actionnaires". L’assemblée générale, outre ses pouvoirs électifs et de contrôle, peut"modifier les statuts dans toutes leurs dispositions. Elle peut également proroger, réduire la durée de la société ou décider de sa dissolution anticipée ou de sa fusion avec ou par une autre société constituée ou à constituer. Elle ne peut toutefois ni augmenter les engagements des actionnaires, ni apporter aus statuts une modification entrainant la perte de la qualité coopérative", (Référence aux statuts types de la L,B,C,)

Sans se référer aux coopératives (?) bien connues où la gestion ne se différencie en moins que rien des autres entreprises et en prenant comme exemple la L,B,C,, on peut affirmer que toute gestion démocratique est formelle, car dans les faits les A.G. n’ont d’autres pouvoirs que de ratifier les décisions prises ou à.prendre. Elles sont mises devant le fait accompli.

Le cas de la L,B,C, est encore plus démonstratif. La première assemblée bidon.et formelle a élu un conseil d’administration tout aussi bidon et fictif. Si bien que très démocratiquement
(par un absentéisme d’un bon nombre des administrateurs) l’équipe de gestion (permanents + quelques personnes réellement motivées) a établi sa propre dictature du prolétariat".

Pour nous résumer disons que dans un système régi par les lois du profit, la gestion collective directe n’est guère envisageable,., et que celui qui a les données matérielles ( la connaissance.dù système de fonctionnement de l’édition) et financières (bilan) a le pouvoir et le "devoir" de décision. Les problèmes parfois cruciaux doivent trouver réponse très vite. Le formalisme dans ces circonstances ne peut qu’être un handicap. Il est bien certain qu’en régime de non-profit et d"abondance (le pied quoi... ) la problématique serait tout autre.

NOTE : En régime de profit, la structure coopérative est onéreuse ; ex, la convocation d’une A.G. (envoi d’une circulaire) et la location d’une salle suffisament grande sont des frais qui pèsent lourds sur des petits budgets,

DIGRESSION  : LE VOTE, Hormis l’élection des administrateurs le vote n’a jamais été utilisé pour prendre les décisions. Ceci -à nos yeux- est très important et significatif. Au conseil de gestion nous n’avons jamais voté. On discute, on épuise le sujet, puis au dernier moment on reprend les éléments de la discussion et l’on élabore une série de démarches à suivre. Le vote nous a semblé inutile. I1 ne sert à rien parce qu’il est fait en vase clos et les débats ont fait que l’on s’èst occupé de la réalité. Et c’est toujours à ce niveau que tout se passe. L’intérêt du débat n’est pas de trancher par un ’oui" ou un "non" mais d’éclaircir, d’appréhender une question dans sa totalité. Des décisions votées peuvent très bien s’avérées inapropriées, dans la logique du vote démocratique il faudrait revoter pour annuler le premier vote. Toutes les discussions du Conseil de Gestion ne servent à rien d’autre qu’à ce dernier problème. En fait le lendemain, ce sont les permanents qui ont à faire face à une situation concrète, précise et qui ont à décider. La veille au soir, les décisions prises dans la fumée auraient ,été arbitraires et hors du concret,