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Jean-Paul Sartre
Après Budapest Sartre parle

Aujourd’hui, Jean-Paul Sartre reprend la parole. Pour cette impressionnante rentrée en scène, qui exercera à coup sûr une influence considérable sur l’attitude de très nombreux intellectuels et militants d’extrême gauche, actuellement désorientés, angoissés, incertains, Jean-Paul Sartre a choisi L’Express. Il a tenu à marquer nettement que ce choix n’avait aucune signification politique : il s’affirme en effet en désaccord avec la position du journal sur de nombreux points. Mais c’est parce que L’Express constitue une libre tribune, ouverte à toute la gauche française, et qu’il a estimé indispensable d’exprimer le plus vite et le plus complètement possible sa position, qu’il a bien voulu accepter de répondre à nos questions dans l’interview exclusive, qu’on lira ici.

Ma première réaction, l’angoisse, il y avait eu cette faute incroyable : demander l’intervention des troupes russes et l’on ne savait pas encore si c’était le dernier rakosiste ou le nouveau gouvernement hongrois qui s’en était rendu coupable. Au bout de quelques jours, l’angoisse a cédé la place à l’espoir et même à la joie : si le commandement russe - dont on venait d’apprendre qu’il avait été appelé par Geroë - avait commis la criminelle maladresse d’accéder à cette demande, il avait ensuite retiré ses troupes de Budapest.

On faisait état de régiments soviétiques qui avaient reculé devant les insurgés plutôt que de tirer sur eux, de soldats russes qui avaient déserté. Le Kremlin paraissait hésitant ; il semblait que les insurgés allaient vaincre. Peut-être, malgré cette première et terrible effusion de sang, l’Union Soviétique voudrait revenir à des solutions négociées comme celles qui ont prévalu en Pologne.

L’angoisse est revenue tout de suite après, plus intense chaque jour ; elle ne m’a pas quitté quand on a vu sortir de prison et soudain surgir au premier plan le cardinal Mindszenty, j’ai pensé : l’U.R.S.S. va être prise dans une tenaille : on leur a rendu leur cardinal ; à quand Horthy et l’intégration au bloc occidental ? Les Russes devront abandonner la Hongrie ou recommencer les massacres. La neutralité demandée par Nagy n’était évidemment qu’une exigence minima formulée sous la pression des insurgés et qui ne leur suffirait pas.

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