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Comment s’organiser ?

Mimmo Pucciarelli

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Comment anarchistes ou libertaires s’organisent-ils en dehors, ou au-delà, des organisations nationales pour réaliser ou agir ponctuellement ou spécifiquement (squats, librairies, etc.) ? Sur quelles bases se font les accords ou les séparations ?
À cette question, complexe, je vais essayer de donner quelques éléments de réponse. J’espère susciter l’envie d’approfondir cette discussion qui a constitué le thème principal de la rencontre de Toulouse, en octobre 1999 : « L’anarchisme a-t-il un avenir ? » 1
La première observation est que les anarchistes organisés ne sont qu’une petite minorité par rapport à l’ensemble de ceux qui partagent les idées et la morale libertaires, ou se sentent proches d’elles.
Personnellement, je distingue quatre formes d’anarchisme : un anarchisme social (celui des organisations, toutes tendances confondues) ; un anarchisme du quotidien (lié plutôt à des groupes actifs dans des initiatives ponctuelles ou à long terme mais visant une intervention spécifique autour des thèmes de la vie quotidienne : squats, alimentation, diffusion de musiques et de fanzines « alternatifs », féminisme, santé, etc.) ; un anarchisme
culturel (constitué par des maisons d’édition, des revues, des chercheurs et
professeurs d’université et des agents de la culture en général), et enfin un anarchisme diffus.
Les deux premières formes d’anarchisme, social et du quotidien, se basent souvent sur des groupes affinitaires dont le nombre des membres peut varier de trois à une vingtaine. Les décisions sont prises pratiquement à l’unanimité ou plutôt au consensus, et si la présence d’animateurs ne fait pas de doute, la vie de ces groupes ou collectifs est réglée par une réelle participation de tous, adhérant la plupart du temps d’une manière formelle, mais sans avoir nécessairement une « carte ». La différence entre le premier type et le second réside dans celle de leurs objectifs différents. L’anarchisme social vise surtout à faire de la propagande et des actions s’insérant dans une dimension politique (luttes sociales en tous genres). L’anarchisme du quotidien préfère changer ici et maintenant la forme de vie du groupe, proposer des alternatives pratiques et praticables sans se préoccuper de la représentativité politique ou du développement de l’organisation en tant que telle.
Naturellement, ceci est schématique puisque des passerelles existent entre toutes ces formes d’anarchisme.
Pour les deux dernières formes, il faut rappeler que c’est l’aspect culturel qui prédomine dans les activités des anarchistes, et cela ne date pas d’aujourd’hui. D’une part, il existe un certain écart entre les « théoriciens » et la production culturelle qui ne vise pas essentiellement la propagande, domaine de « collectifs » rédactionnels. D’autre part, comme dans l’anarchisme social et du quotidien, existent des « luttes de tendances », luttes qui existent aussi chez ceux qui font des recherches sur ces thèmes. Ces divergences expriment, plus ou moins parallèlement, des points de vue relatifs à la « possession » de la vérité et du savoir anarchiste. Il existe enfin un délicat et
fragile lien entre des « personnalités » considérées ou se considérant anarchistes et le reste du « mouvement ».
La dernière forme d’anarchisme à laquelle il faudrait prêter un peu plus d’attention, c’est l’anarchisme diffus. Cette forme d’anarchisme tient compte des réflexions contre les pouvoirs et autorités établies et du ras-le-bol qui s’exprime régulièrement autour de nous, sur les lieux de travail, à l’école, dans les bistrots, etc.
Si les anarchistes organisés représentent, ici en France, un millier de personnes (le double si l’on accepte de caser les deux CNT dans ce tiroir), il en existe plusieurs autres milliers qui s’organisent ponctuellement pour faire vivre un squat, un fanzine, un groupe de musique alternative, une communauté, un groupe de réflexion, etc. La différence fondamentale entre ces deux groupes que je viens d’évoquer est la suivante : ceux et celles qui n'adhèrent pas à une « structure nationale » s’organisent plutôt par rapport à un désir ou un besoin particulier lié à leur vie quotidienne. Ils et elles ne se réunissent ou ne s’engagent donc pas dans des actions pour faire de la propagande ou pour occuper symboliquement et « massivement » un « espace politique » et être les représentants de l’anarchisme officiel.
Le cas de Lyon est exemplaire par la pluralité des formes qui expriment ces divers anarchismes. L’union locale de la FA et ses quatre groupes (totalisant une quarantaine d’adhérents), leur librairie (La plume noire), leurs bulletins, le café libertaire, etc. La CNT et ses diverses sections représentant environ quatre-vingts personnes. Les deux squats ou habitations collectives, le Point-moc et la Duende autour desquels gravitent respectivement une vingtaine de personnes. La librairie La Gryffe et son collectif d’une douzaine de personnes. L’Atelier de création libertaire et sa poignée de fidèles (trois d’entre eux se réunissent une fois par semaine depuis vingt-cinq ans !). Un ensemble de personnes participent à des structures ou activités non spécifiquement anarchistes ou libertaires telle radio Canut, ou à des collectifs allant de l’antispécisme au féminisme radical, ou au regroupement Pour une ville sans voitures et à des initiatives écologistes, etc. Et puis les dizaines, voire deux à trois cents personnes qui rejoignent ces « militants » lors des grandes manifestations, et encore les amis ou sympathisants qui nous aident ponctuellement sur telle ou telle initiative dans laquelle ils se reconnaissent davantage...
La vitalité et la force de l’anarchisme à Lyon est le résultat du croisement de cette diversité anarchiste qui maintient un équilibre incertain du milieu. Cette volonté collective de faire vivre cet équilibre explique qu’il n’y ait pas eu d’irrémédiables crispations idéologiques. Bien que depuis trente ans, on ait connu des moments de crise, des « disputes », des déchirements. Mais, au fond (et c’est probablement ma vision particulière des choses), on a réussi à accepter plus ou moins avec bonheur l’idée de l’existence de l’autre.
L’avenir de l’anarchisme passe avant tout par-là.
Mimmo Pucciarelli
1. Les actes de ce colloque publiés par l’Atelier de création libertaire sont désormais disponibles.