1870

Janvier

M. soumet au C.G. le projet d’une communication privée, destinée au Conseil fédéral de la Suisse romande à Genève, en réponse aux attaques publiées par l’Egalité (1er janv.). M. y précise le rôle du C.G. dans ses rapports avec les journaux de l’A.I.T., la presse en général et le Conseil fédéral de la Suisse romande en particulier ; il signale la carence des comités nationaux qui ne se conforment pas aux règlements quant à leur devoir de communiquer au C.G. des documents (par exemple l’Enquête statistique) susceptibles d’être publiés dans un Bulletin du Conseil ; il précise les raisons pour lesquelles le C.G. a toujours rejeté toute proposition tendant à la séparation du C.G. et du Conseil régional pour l’Angleterre (« Quoique l’initiative révolutionnaire partira probablement de la France, l’Angleterre seule peut servir de levier pour une révolution sérieusement économique (...). Les Anglais ont toute la matière nécessaire à la révolution sociale. Ce oui leur manque, c’est l’esprit généralisateur et la passion révolutionnaire. C’est seulement le C.G. qui peut y suppléer, qui peut ainsi accélérer le mouvement vraiment révolutionnaire dans ce pays et par conséquent partout »). Il définit la position de l’A.LT. vis-à-vis de la question irlandaise (c< abstraction faite de toute justice internationale, c’est une condition préliminaire à l’émancipation de la classe ouvrière anglaise que de transformer la présenta union forcée (c’est-à-dire l’esclavage de l’Irlande) en confédération libre et égale, s’il se peut, en séparation complète, s’il le faut o) ; il indique que les thèses de l’Egalité et du Progrès sur l’action politique de la classe ouvrière sont contraires aux statuts de l’A.I.T. et fait ressortir certaines erreurs dans la traduction française de ces statuts ; il apporte des éclaircissements sur le conflit Liebknecht-5chweitzer. Adoptée par le C.G., cette communication sera envoyée le 16 janvier 1874 à c tous les comités correspondant avec lui ».

M. propose au C.G. la nomination de Richard Hume comme correspondant pour les Etats-Unis en remplacement de Robert Shaw, décédé le 31 décembre, d’Auguste Serraillier comme secrétaire pour la Belgique et de Karl Pfânder (ancien membre de la Ligue des communistes) comme membre du C.G. Il est désigné pour représenter le C.G. aux funérailles de Robert Shacv. (4 janv.)
Balcounine, en train de traduire le Capital pour un éditeur de 5t. Pétersbourg, en informe Herzen et appelle le livre la « métaphysique économique de Marx ». (B. à H., 4 janv.)

M. communique à C. De Paepe la « circulaire privée » du C.G. et une notice sur la personnalité de Robert Shaw. (Env. 8 janv. La notice nécrologique paraîtra dans l’Internationale de Bruxelles, le 16 janv.) 11 y déclare que ce fut grâce aux efforts du défunt que les trade-unions s’étaient joints à l’A.I.T. R. Shaw s’était donné pour but de « transformer les trade-unions en centres organisés de la révolution prolétarienne ».

M. à E. : c Beaucoup de choses se sont passées dans l’Internationale, particulièrement en relation avec les intrigues de Bakounine. Mais ce serait maintenant trop long à raconter. » (22 janv.)

Réunion du sous-comité chez M., qui souffre de furoncles. (23 janv.) M. prie De Paepe de lui fournir des détails sur la propriété foncière en Belgique ; il l’informe que l’Alliance de Bakounine n’avait été dissoute que pour la forme et qu’elle continuait à être un danger pour l’A.I.T. (24 janv.)

M. demande à E. et à Samuel Moore de prendre plusieurs abonnements aux Democratic News qui pourraient devenir un « contrepoids contre le Beehive » et de lui envoyer, pour ce journal, des correspondances sur 1e Lancashire, etc. (27 janv.)

Février-Mars

M. informe E. de l’abandon de l’Egalité par ses principaux rédacteurs et du départ de Bakounine pour le Tessin d’où « il continuera ses intrigues en Suisse, en Espagne, en Italie et en France ». B. « s’imagine en effet que nous sommes " trop bourgeois " et donc incapables de comprendre et d’apprécier ses conceptions sublimes sur le droit d’héritage, l’égalité et le remplacement du système des Etats actuel par l’Internationale. De nom, son Alliance de la Démocratie socialiste est dissoute, en fait elle continue à exister. (...) Le conseil belge (...) s’est déclaré officiellement tout à fait en faveur de notre démarche contre l’Egalité, mais Ains, secrétaire du Conseil belge, (...) a envoyé une lettre à Stepney où il prend parti pour Balcounine et me reproche de donner mon appui au parti réactionnaire parmi les ouvriers genevéis, etc. » (10 fév.)

M. entretient E. de ses lectures russes (10 et 12 fév.). I1 est persuadé que la Russie est en voie de se désagréger et « qu’une effroyable révolution sociale est imminente. (... ) A Genève, une nouvelle colonie d’étudiants russes exilés s’est formée ; dans leur programme, ils proclament la lutte contre le panslavisme et son remplacement par l’Internationale. » M. fait mention de la réponse qu’il avait faite à Hins dont les accusations à l’adresse du C.G. seraient inspirées par Bakounine. « Il nous reproche d’avoir provoqué la crise de Genève, alors que - comme le montre l’Egalité - elle était terminée une semaine avant l’envoi de notre missive, etc. Le Conseil belge a manifesté son total accord avec nous, malgré Hins. (...) Becker m’annonce sa démission du comité de rédaction de l’Egalité, en même temps que celle des autres bakounistes. Toutefois, il affirme, dans le Vorbote, juste le contraire de ce que Bakounine a dit dans l’Egalité. Le vieux confusionniste ! » (12 févr.)

M. à Kugelmann : « J’ai eu maille à partir avec l’intrigant Bakounine. Mais je t’en parlerai dans ma prochaine lettre. » (17 févr.)

M. fait part à E. d’un article publié par le journal de Katkoff qui reproche à Bakounine d’avoir, de son exil en Sibérie, écrit une lettre pleine d’humilité au tsar Nicolas : « Notre dernière circulaire semble avoir fait sensation et avoir provoqué la chasse aux bakounistes en Suisse et en France. Mais, il ne faut pas dépasser la mesure, et je veillerai à ce qu’il n’y ait pas d’injustice. » (19 févr.)
Le sous-comité discute du cas d’Albert Richard, exclu de la section de Lyon (19 fév. et 5 mars) : « Richard, jusqu’ici leader à Lyon, homme tout jeune, est très actif. Mais à part le fait qu’il est inféodé à Bakou. nine et que, pour cette raison, il se surestime lui-même, je ne vois pas ce qu’on pourrait lui reprocher. » (M. à E., 19 févr.)

M. envoie à C. De Paepe un projet d’article pour dénoncer la politique coloniale de Gladstone en Irlande. Le texte en paraîtra dans l’Internationale des 27 févr. et 3 mars sous le titre c Le gouvernement anglais et les fenians emprisonnés » (21 févr.). Il aide en outre sa fille Jenny à rédiger pour la Marseillaise de Paris une série d’articles en faveur de la libération des fenians incarcérés. Ces correspondances y paraîtront sous le nom de « J. Williams » du 1er mars au 24 avril. « Grâce à ces deux journaux - L’Internationale et La Marseillaise - nous arracherons, devant le continent, le masque aux Anglais ». (M. à E., S mars.)
Sur la proposition du sous-comité, le C.G. décide d’annuler la décision de la section de Lyon frappant Albert Richard d’exclusion. (8 mars.) Sur la proposition de M., le C.G. décide d’admettre la Société des Prolétaires Positivistes de Paris à condition qu’elle renonce à s’appeler
« prolétarienne ». Dans son intervention, NI. décrit les positivistes comme des sectaires « opposés à toute espèce de religion excepté celle de Comte o. (15 mars.)

M. proteste, dans une lettre à Liebknec ;ht, contre la publication, par le Volksstaat, d’un article de Netchaïev (probahlement rédigé par Bakounine) en réponse à un article publié par S. Borkheim dans le Zukunft de Berlin. (16 mars, CHft., p. 290).

M. informe E. de la séance consacrée par le C.G. aux « prolétaires positivistes de Paris » : « La présidence était assurée par Mottersliead, vieux chartiste, très intelligent (bien qu’hostile aux Irlandais), ennemi personnel et connaisseur du comtisme. Après un débat assez long : Puisque ce sont des ouvriers, ils peuvent être admis comme simple branche, mais non comme « branche positiviste », les principes du comtisme contredisant directement les principes de notre programme. Au demeurant, c’est ù eux de voir comment concilier leurs vues philosophiques privées avec les conceptions de notre statut. » (19 mars.)

M. accepte d’être le représentant, au C.G., de la section russe de l’A.I.T. fondée au printemps de 1870 à Genève, après examen par le C.G. de son programme et de ses statuts. (22 mars.) Répondant à la demande du comité de cette section, M. écrit que les « socialistes russes, en militant pour briser les chaînes de la Pologne, assument une tâche élevée qui consiste à supprimer un régime militaire, condition indispensable à l’émancipation générale du prolétariat européen. » M. rend hommage à Flérovski, auteur d’un ouvrage sur « la Situation de la classe ouvrière en Russie », et à Tchernychevski : « Des travaux comme ceux de Flérovski et de votre maître Tchernychevslci font vraiment honneur à la Russie et prouvent que votre pays commence, lui aussi, à participer au mouvement général de notre siècle. » (24 mars). Le même jour, M. informe E. de sa nouvelle charge et ajoute : « Drôle de position pour moi : faire fonction de représentant de la Jeune Russie ! L’homme ne sait jamais ce qui lui est réservé et dans quelle étrange compagnie il peut se trouver. Dans la réponse officielle, je loue Flérovslci et je souligne que la tâche principale de la branche russe consiste à militer pour la Pologne (autrement dit à libérer l’Europe du voisinage des Russes). J’ai préféré ne rien dire au sujet de Bakounine (...). » Dans la même lettre, M. fait état d’une lettre de Becker à Jung concernant l’attitude de Bakounine après la mort de Herzen. Bakou,nine aurait encaissé les fonds de propagande que Herzen recevait de Russie. « Cette sorte d’héritage, écrit M., Bakounine semble l’apprécier, malgré son antipathie envers l’héritage. » (24 mars.)

M. écrit à E. au sujet des demandes des coopérateurs de Solingen : « Si tu écris à ces gens, dis-leur que (...) le C.G. est assailli de demandes d’argent de tous les coins de l’Europe, sans recevoir de fonds d’aucune part du continent. » (26 mars.)

 En sa qualité de secrétaire-correspondant pour l’Allemagne, M. envoie par l’intermédiaire de Kugelmann, une c communication confidentielle » au bureau exécutif du Parti social-démocrate allemand. Outre la circulaire privée du 1°r Janvier 1870 sur l’Alliance en Suisse, elle contient un exposé détaillé de l’activité de Bakounine depuis sa rencontre avec lui, en novembre 1864, de son rôle dans la Ligue de la Paix, de son programme au Congrès de Berne et comme chef de l’Alliance de la D.S., de ses liaisons en Italie et en Espagne ; la communication relate également la dissolution de l’Alliance au Congrès de Bâle, ses attaques contre le « communisme autoritaire » du C.G. dans l’Egalité et le Progrès ; la démission des six rédacteurs de l’Egalité, le départ de Bakounine à Locarno, la mort de Herzen et l’affaire des fonds de propagande échus en « héritage » à Bakounine, la fondation à Genève de la section russe de l’A.I.T. par des jeunes réfugiés qui sont décidés à « démasquer » Bakounine, qui « tient des langages absolument différents, en Russie ou en Europe. » (28 mars.)

Dans la note confidentielle, NI. écrit que la bourgeoisie anglaise a divisé le prolétariat en deux camps hostiles. « Le feu révolutionnaire de l’ouvrier celte ne se combine pas avec la nature solide, mais lente de l’ouvrier anglo-saxon. Il y a, au contraire, dans tous les grands centres industriels de l’Angleterre, un antagonisme profond entre 1e prolétaire irlandais et le prolétaire anglais. L’ouvrier anglais commun hait l’ouvrier irlandais comme un concurrent qui déprime les salaires et le standard de vie. 11 ressent pour lui des antipathies nationales et religieuses. Il le considère à peu près comme les poor whites des Etats méridionaux de l’Amérique du Nord considèrent les esclaves noirs. Cet antagonisme, parmi les prolétaires d’Angleterre, est artificiellement nourri et entretenu par la bourgeoisie : elle sait que cette division est le véritable secret du maintien de son pouvoir.

Le même antagonisme se reproduit outre-Atlantique. » (Werke, 16, p. 416, 28 mars 1870.)

Avril

M. expose à S. Teyer et A. Vogt, correspondants du, C.G. à New York, ses vues sur la question irlandaise et les informe des diverses démarches entreprises sur son initiative par le C.G. dans cette question. Affirmant que l’antagonisme entre les ouvriers anglais et les ouvriers irlandais est « le secret de l’impuissance de la classe ouvrière anglaise », aussi bien que « la base secrète du conflit entre les Etats-Unis et l’Angleterre », M exhorte ses correspondants à militer en Amérique pour la cause irlandaise. « Coalition des ouvriers allemands avec les ouvriers irlandais (naturellement aussi les ouvriers anglais et américains), voilà la tâche suprême que vous pourrez mettre en œuvre présentement. » (9 avril.)

M. et Dupont sont chargés par le C.G. de rédiger une adresse sur la grève des mineurs du Creusot. (9 avril.)

M. envoie à Sorge 15 exemplaires du rapport sur le Congrès de Bâle. (avril.)
M. informe E. du déroulement, à la Chaux-de-Fonds, du Congrès des sections romandes pendant lequel le conflit s’était déclaré entre les adeptes de Bakounine, conduits par James Guillaume, et le Conseil romand de Genève dont le secrétaire était Outine, membre de la section russe : « Le Conseil romand, s’appuyant sur la résolution du dernier Congrès (Bâle), demande au C.G. de trancher le différend. Nous avons répondu : vous devez nous envoyer, en même temps que les procès-verbaux des séances, un exposé des faits. Nous avons chargé Jung d’écrire à Guillaume pour qu’il présente son plaidoyer. » D’autres conflits, à Lyon et à Bâle, ont été soumis au C.G. M. demande à E. de venir en aide à Dupont qui vient de perdre son emploi, après avoir dû céder à son patron toutes ses inventions dans la fabrications des pianos. « Qui pourra écrire l’histoire des travailleurs évincés à cause de leurs inventions ? Et le pauvre diable est en outre terrassé par la jalousie des parisiens et les calomnies de la branche française, qui n’a pas hésité, naturellement, à accueillir Elourens. » (14 avril.)

M. envoie à Paul Lafargue des lettres de créance pour Henri Verlet, secrétaire de la rédaction de La libre Pensée, en vue de la création d’une section de l’A.I.T. « 11 ne faut pas qu’il donne à la nouvelle section (...) un « nom » sectaire, communiste ou autre. Il faut éviter les c étiquettes sectaires dans d’A.I. » (en français). Les aspirations et les tendances générales de la classe ouvrière émanent des conditions réelles dans lesquelles elle se trouve placée. Elles sont, par conséquent, communes à toute la classe, bien que le mouvement lui-même se reflète dans la tête des ouvriers sons les formes les plus variées. (...) Une chose doit être faite le plus tôt possible, (...) c’est publier dans La libre Pensée une bonne traduction littérale des Statuts de l’Internationale. La traduction française, couramment répandue, venant de notre premier comité parisien, Tolain et Cie, est pleine d’erreurs intentionnelles. Ils ont supprimé tout ce qui n’était pas à leur goût. (...) » (18 avril.)

M. informe P. Lafargue de l’activité conspiratrice de Bakounine dans l’A.I.T. Sur l’Alliance de la Démocratie socialiste : « (...) notre Association devrait être transformée, par cette société frauduleuse et secrète, en un instrument du russe Bakounine. Le prétexte invoqué est que cette nouvelle société a été fondée pour un but spécial : faire de la propagrande théorique (en français) ». M. résume cette « théorie » en 3 pointa : abolition de l’héritage, égalisation des classes sociales, obligation pour la classe en soi de s’abstenir de l’action politique. (« Cet âne n’a même pas compris que tout mouvement de classe, en tant que tel, est nécessairement et était toujours un mouvement politique ».) M. rappelle ensuite les décisions prises par le C.G. dans l’affaire de l’Alliance, qui, bien que nominalement dissoute, « continuait à former un Etat dans l’Etat, sous la dictature de Bakounine », dont les ressources financières restent pour le moment un secret, etc. etc. [On retrouve, dans cette lettre, tous les arguments souvent peu fondés, employés par M. dans les lettres et résolutions écrites et rédigées par lui dans le cours des derniers mois. Ces arguments peuvent se résumer dans cette phrase : « Ainsi ce maudit Moscovite a réussi à provoquer dans nos rangs un grand scandale, à faire un mot d’ordre de sa personne, à infecter notre Association des Travailleurs du poison du sectarisme et à paralyser notre action par des intrigues secrètes. »] En terminant, M. écrit : « Tu es maintenant suffisamment informé pour contrecarrer les agissements de Bakounine à l’intérieur de nos branches parisiennes. » [M. avait commencé sa lettre en avertissant P. Lafargue de la présence, dans le section parisienne, de Paul Robin, envoyé à Paris expressément pour « préparer la dictature de Bakounine sur l’A.I. »] (19 avril.)

M. envoie à E. une lettre adressée au C.G. par Henri Perret, ancien secrétaire du Comité fédéral romand de l’A.I.T. à Genève sur les agissements de Bakounine. « Nous mettrons fin, dans la Marseillaise, aux menées de Balcounine, par la plume de Flourens, qui a compris le secret de la branche frar.çaise et s’est joint â nous. C’est un homme très énergique, cultivé, mais trop sanguin. » (19 avril.)

E. donne à M. son avis sur le différend genevois, dans lequel les bakounistes ont le droit de leur côté, en attendant que les sections se prononcent. Le C.G. ne pourrait intervenir que si les bakounistes refusent le référendum : a Autrement les Genevois devront faire en sorte d’obtenir la majorité. Jusque-là, le C.G. pourrait tout au plus suspendre les deux comités centraux (...). Quant au fond, il est clair que l’Alliance, même si elle est tolérée par le C.G., n’a pas de place dans une organisation locale comme la Suisse romande, étant donné qu’elle se propose de correspondre avec tous les pays et voudrait y créer des sous-sections. (...) Si les choses évoluent en Suisse, l’Alliance finira par quitter entière. ment l’Internationale ou elle en sera expulsée. (...) Si Bakounine réussit à avoir de son côté la majorité des ouvriers de la Suisse romande, qu’estce que le C.G. pourrait y faire ? Le seul point contestable, c’est l’abstention totale de toute politique, mais même cette éventualité ne serait pas tellement certaine. » (21 avril.)

Sur la proposition de M., le C.G. décide de rompre publiquement avec le Beehive : « Ce journal prêche l’harmonie avec les capitalistes, alors que l’Association a déclaré la guerre à la domination des capitalistes. » A cet effet, M. est chargé de rédiger une déclaration. (26 avril.)

M. se rend au chevet de Karl Schapper, mourant. Il décrit à E. l’attitude courageuse de leur vieux camarade. Dans la même lettre, M. parle de Elourens, hôte fréquent de la famille M. « Ce qui prévaut chez lui, c’est l’audace. Mais il possède également une grande culture de naturaliste. (...) Plein d’illusion et d’impatience révolutionnaire (...), il a été proposé pour notre C.G. dont il a été deux fois l’hôte. Il serait bon qu’il prolonge son séjour ici. (...) Toute la bande française se disant révolutionnaire lui fait la cour, mais il est déjà suffisamment éclairé sur ces messieurs. » (28 avril.)

M. reçoit de Genève des exemplaires de la première traduction russe du Manifeste communiste. Il en envoie un à E. « J’ai vu dans le Werker, etc. que l’imprimerie du Kolokol, dont Bakounine a hérité, a publié cette chose, entre autres, et j’en ai fait venir 6 exemplaires de Genève. C’est toujours intéressant pour nous. » (29 avril.)

Mai-Juin

Le C.G. adopte la déclaration, rédigée par M., concernant la rupture de l’A.I.T. avec le Beehive. Dans la même séance, M. fait un rapport sur les persécutions exercées par la police française contre les membres de l’Internationale. Il propose une résolution dans laquelle il rappelle le but des diverses sections de l’A.I.T. qui n’a rien d’une société secrète : « Si la classe ouvrière conspire (elle qui forme la grande masse de toute nation, elle qui produit toute richesse, et au nom de qui les puissances usurpatrices prétendent régner), elle conspire publiquement, tel le soleil qui conspire contre les ténèbres, avec la pleine conscience qu’en dehors d’elle-même il n’existe pas de pouvoir légitime. 5i les autres circonstances du complot dénoncé par le gouvernement français sont aussi fausses et peu fondées que ses insinuations contre l’A.I.T., ce dernier complot voisinera dignement aux côtés de ses deux prédécesseurs de grotesque mémoire. Ces mesures de violence tapageuses contre nos sec-tions françaises n’ont qu’un seul but : la manipulation du plébiscite. » La proelamation est adoptée et publiée dans les organes de l’A.I.T. et dans divers journaux ; elle est, en outre, diffusée sous forme de tract. (3 mai.)

M. informe E, des décisions prises par le dernier C.G. et des menaces qui pèsent sur Flourens et le C.G. par suite de la pression exercée par l’ambassade française sur la presse anglaise pour attaquer l’internationale. M commente, à propos du cas de Flourens, la législation anglaise sur l’extradition et la juridiction des étrangers résidant en Angleterre, et rappelle le précédent du procès du Docteur Bernard, accusé en 1858 de complicité avec Orsini dans l’attentat contre Napoléon III. Il parle de l’activité de Robin, devenu membre de la section parisienne et soupçonne sa complicité avec Bakounine. « Le complot parisien met un terme définitif au projet longuement mûri de tenir le Congrès à Paris et d’y transférer à cette occasion le C.G. » M. parle encore des premiers numéros du Kolokol et du programme russe, qui se veut purement pratique et qui abandonne la propagande théorique (« la théorie de M. Bakounine c’est-à-dire l’absence de toute théorie ») à l’Europe occidentale et aux Etats-Unis. (7 mai.)

Le C.G. adopte une déclaration proposée par M., affirmant que la soi disant branche française de l’A.LT, à Londres a cessé depuis deux ana de faire partie de l’Internationale et d’avoir des relations avec le C.G. (10 mai.)

M. à E. : « Au sujet du prochain Congrès, que penses-tu de l’idée de Bebel de le tenir soit à Mayence soit à Mannheim ? Cela aurait certains avantages car, en Allemagne, Balcounine et Cie seraient totalement impuissants. » (10 mai.)

E, craint que le Congrès n’y soit dispersé par la police. (11 mai.)

A propos du journal Kolokol : « L’affaire n’a pas dû marcher avec Bakounine (...) En regardant de près, je constate que le rédacteur, c’est Ogareff. Balcounine n’y donne, dans les premiers numéros, qu’une seule lettre (...) où il accuse la rédaction de manquer de principes, etc. et où il s’affiche en tant que socialiste et internationaliste. (...) Il importe avant tout de renverser le régime tsariste, ce qui nécessite la coalition de toua les partis ennemis du tsarisme, etc. Plus tard, ils pourront se combattre entre eux, etc. Donc, la " politique " est permise aux Socialistes en Russie, mais aucunement en Europe occidentale ! »

Sur la proposition de M., le C.G. accepte unanimement l’invitation du parti ouvrier social-démocrate d’Allemagne de convoquer 1e prochain Congrès de l’A.I.T. à Mayence et non à Paris comme cela fut décidé au Congrès de Bâle, vu les représailles du gouvernement français contre l’Internationale. (17 mai.)
M. à E. : « Nos membres français démontrent, à la barbe du gouvernement la différence entre une société politique secrète et la véritable union ouvrière. A peine a-t-il coffré tous les membres des comités de Paris, Lyon, Rouen, Marseille, etc. (... ) qu’un nombre deux fois plus grand de comités (...) annoncent leur formation dans les journaux. Le gouvernement français a fait enfin ce que nous souhaitons depuis si longtemps : il a fait de la question politique : empire ou république ? une question de vie ou de mort pour la classe ouvrière. » (18 mai).

M. reçoit de Sorge des journaux et des matériaux statistiques officiels sur la situation des ouvriers dans les Etats-Unis (env. 23 mai. CHR., p. 292).
Séjour de M. à Manchester. (23 mai au 22 juin.)

A cause des élections pour le Reichstag prévues en septembre, Liebknecht (par l’intermédiaire de Paul Stumpf ) demande à M. de fixer la date de la convocation du prochain Congrès au 5 octobre. (11 juin.) La même demande est adressée au C.G. par le bureau exécutif du parti social-démocrate. (12 juin.)

M. et E. rappellent à l’exécutif du parti social-démocrate d’article 3 des statuts de l’A.I.T. qui interdit au C.G. de changer la date de convocation des Congrès. Ils exhortent le comité de Brunswick de prendre les mesures nécessaires pour que le Congrès de Mayence ne soit pas troublé par les provocations des partisans de Schweitzer. « L’Internationale peut bien se permettre un conflit avec un Bismarck, mais elle ne saurait accepter des " bagarres nationales entre ouvriers allemands " prétendument " spontanées " sous l’étiquette de " luttes pour les principes " ». (14 juin.)

Le C.G. charge M., absent, de rédiger une Adresse sur le lock-out des ouvriers du bâtiment de Genève. (21 juin.)

M. écrit officiellement au comité du parti social-démocrate pour rejeter la proposition de Liebknecht d’ajourner le Congrès au mois d’octobre. Il signale le mécontentement des Français qui auraient préféré que le Congrès siège à Verviers ou à Paris. En cas d’ajournement, il y aurait danger qu’un congrès fût organisé par les minoritaires français et suisses, sous l’influence de Bakounine : « Les mesquines jalousies nationales ont trop profondément pénétré dans le sang pour être chassées en un seul jour à l’aide de raisonnements. » (27 juin.)

Le C.G. discute de la scission intervenue en avril au Congrès de la Chaux-de-Fonds dans les sections de la Suisse romande. Il adopte une résolution proposée par M., attribuant le titre de Comité fédéral romand à la seule section de Genève et sommant le comité de la Chaux-de-Fonds &- choisir un autre titre, en tant que comité local. Dans la même séance, M. propose de transférer le siège du C.G. à Bruxelles en déclarant qu’il ne fallait pas créer une position privilégiée aux ouvriers de tel pays ou de tel autre. (28 juin.)

Juillet

Le G.G. adopte l’Appel, rédigé à sa demande par M., en faveur des ouvriers du bâtiment de Genève. L’Appel sera diffusé comme tract en anglais, allemand et français (« La grève des corps de métier du bâtiment à Genève. Appel du C.G. de l’A.I.T. aux travailleurs et travail leuses de l’Europe et des Etats-Unis »). Il exhorte les ouvriers et ouvrières du monde civilisé à venir en aide, par des moyens moraux et matériels, aux grévistes qui luttent contre le despotisme capitaliste. Dans la même séance, b7. est chargé d’obtenir du comité parisien les actes du procès intenté aux membres français. (5 juillet.)

Hermann Lopatine, révolutionnaire qui avait réussi à s’enfuir de sa prison du Caucase, rend visite à M. et l’instruit des rapports entre Balcounine et le terroriste Netchaïev, assassin d’un jeune étudiant, membre de son association secrète. En outre, Lopatine renseigne M. sur Tchernychevski (condamné en 1864 à 8 ans de travaux forcés) et Fle-rovski. (M. à E., S juil. )

M. à E. : « Je t’enverrai demain les papiers français sur les débats au procès (...) Léo Frânkel a gagné ses lauriers. Tu remarqueras la tendance, aussi bien chez les accusés que de la part des journaux, etc., de s’approprier l’invention de l’Internationale. » (8 juil.)

Le C.G. adopte l’ordre du jour préparé par le sous-comité auquel M. avait participé. Le Maître, membre de la branche française de Londres, ayant tenté une démarche de réconciliation avec le C.G., celui-ci décide, sur la proposition de M., de demander l’avis du Conseil fédéral de Paris. 11 décide, en outre, sur la proposition de M., de consulter les sections sur l’opportunité d’un transfert du siège du C.G. Finalement, il adopte le programme, établi par M., du programme pour le Congrès de l’A.LT. (12 juil.)

Conformément aux instructions du C.G., M. communique à H. Jung une « information confidentielle » destinée à toutes les sections au sujet d’un transfert éventuel du siège de l’A.I.T. et du choix, recommandé par le C.G., de Bruxelles à cet effet. M. envoie en même temps le texte du programme du prochain Congrès :
- 1° Abolition des dettes publiques ;
- 2" Action politique et activité sociale de la classe ouvrière ;
- 3° Transformation de la propriété foncière en propriété commune ;
- 4° Transformation des banques d’émission en banques nationales ;
- 5° Les conditions de la production coopérative à l’échelle nationale ;
- 6° Reprise de la question sur les moyens de supprimer la guerre. (14 juil.)

A la veille de la déclaration de guerre de la France à la Prusse, Kugelmann écrit à M. au sujet de l’Appel du Comité de Brunswick qu’il désapprouve. (18 juil. )
Le C.G. charge M. de rédiger une Adresse sur la guerre franco-prussienne. (19 juil.) M. exprime à E. son mépris du chauvinisme des républicains français. « Les Français ont besoin d’une correction. 5i les Prussiens sont victorieux, la centralisation du pouvoir d’Etat sera utile ae la centralisation de la classe ouvrière allemande. En outre, la prépondérance allemande transférera le point de gravité du mouvement ouvrier européen de la France en Allemagne (...) Leur prépondérance sur la scène du monde sur les ouvriers français sera en même temps la prépondérance de notre théorie sur celle de Proudhon (...) Le C.G. m’a chargé hier de la rédaction d’une Adresse. Vu l’état de mon foie et mon hébétement, ce n’est point agréable. » (20 juil.)

Sollicité par la Pall Mall Gazette d’être son correspondant de guerre en Prusse, M. suggère à E. d’écrire pour ce journal des articles militaires. E. donne uns série de 59 articles, qui paraîtront dans la P.M.G. de juillet 1870 à février 1871 sous le titre Notes on the War (M. à E., 20, 28, 29 juil.)

M. informe le C.G. de l’attitude, lors du vote au Reichstag des crédits militaires, de Liebknecht et de Bebel (ils s’étaient abstenus). Son Adresse sur la guerre, déjà lue devant le sous-comité, est adoptée ; il est décidé de la diffuser en anglais, français et allemand. M. y rappelle les termes de l’Adresse inaugurale de l’A.I.T. d’après lesquels, en politique étrangère, « les lois de la morale et de la justice, pratiquées entre individus », devraient « s’imposer comme lois suprêmes dans le concert des nations ». II évoque les persécutions dont les membres de l’A.LT. ont été victime. en France ; il cite le Manifeste de la section parisienne, paru dans le Réveil du 12 juillet (« Aux travailleurs de tous les pays ») comme un appel à la solidarité internationale contre le despotisme « des deux côtés du Rhin ». Bien que, du côté allemand, la guerre ait un caractère défensif, c’est la Prusse qui avait conspiré avec Louis-Napoléon III afin « d’annexe. l’Allemagne à la dynastie des Hohenzollern ». Les ouvriers allemands, imbus des principes de l’Internationale, ne permettront pas à la guerre actuelle de dégénérer en une guerre contre le peuple français. Les ouvriers anglais savent que l’alliance des ouvriers de tous les pays finira par tuer la guerre. Les ouvriers de France et d’Allemagne échangent des messages de paix et d’amitié - preuve que la nouvelle société est en train de naître. « Le pionnier de cette nouvelle société » - où règnera la Fais et le Travail - « c’est l’A.I.T. » (23 et 21 juil.)

M. écrit le même jour, et dans des termes semblables, à Lafargue et a E. au sujet de la guerre. A Lafargue : « Des deux côtés, une exhibition écœurante de chauvinisme. Pourtant, ce qu’il y a de consolant, c’est que les ouvriers protestent aussi bien en Allemagne qu’en France. -\ la vérité, la guerre de classes est trop développée dans les deux pays pour permettre à une guerre, quelle qu’elle soit, de faire tourner en arrière pendant longtemps la roue de l’histoire. » Néanmoins, M. souhaite que, en fin de compte, l’Allemagne l’emporte. a Je le souhaite, car la défaite ultime de Bonaparte suscitera une révolution en France, alors que la défaite ultime des Allemands ne fera que prolonger l’état de choses actuel pendant 20 années (..-) Quant aux ouvriers anglais, ils haïssent Bonaparte plus que Bismarck, principalement parce qu’il est l’agresseur (...) Pour ma part, je fais tout ce que est en mon pouvoir, par le truchement de l’Internationale, pour stimuler l’esprit de " neutralité " et pour tenir en échec les leaders " stipendiés " (...) de la classe ouvrière anglaise qui font tous leurs efforts pour les égarer. » (28 juil.)

M. envoie à Liebknecht l’Adresse sur la guerre, en le priant de )a traduire et de la publier dans le Volksstaat « Mardi dernier, j’ai traduit pour le C-G. la protestation que toi et Bebel avez prononcée au Reichstag. Elle a été beaucoup applaudie. » (29 juil.)

M. signe une proclamation sur la guerre émanant d’un groupe d’Allemands et de Français vivant à Londres, après avoir obtenu qu’une phrase y soit introduite, marquant le caractère défensif de la guerre du côté allemand et sous la réserve que la tendance générale de cette proclamation s’accorde avec l’Adresse du C.G. (31 juil.)

Août

S’opposant à la proposition des représentants belges de convoquer le prochain Congrès de l’A.I.T. à Amsterdam, M. propose son ajournement en raison de la guerre. Il écrit au bureau social-démocrate et à J.P. Becker pour leur demander d’appuyer cette proposition.

Informé par la section russe de Genève des agissements de Bakounine et en réponse à Becker qui se propose de publier une brochure sur Balcounine, M. renseigne son correspondant sur la position de l’anarchiste russe pendant la révolution de 1848. A propos des accusations lancées contre Bakounine au congrès panslaviste de Prague, M. déclare que Bakounine n’avait pas joué un double jeu. « S’il a commis des erreurs (du point de vue de ses amis panslavistes), elles furent, selon moi, involontaires (...). Le seul fait glorieux de son activité pendant la révolution, c’est sa participation à l’insurrection de Dresde, en septembre 1849. Ce qui le caractérise particulièrement, c’est son attitude après son retour en Sibérie. » (2 août.)

M- à E. sur la politique de Disraëli et de Gladstone visant à une alliance anqlo-russe : « Les membres anglais de l’Internationale devront intervenir énergiquement pour parer à cette chose. J’écrirai à ce sujet au Conseil général (...) Les Belges ont proposé de tenir le congrès le 5 septembre à Amsterdam. C’est une idée de Bakounine. Le Congrès serait composé principalement de ses instruments (...). J’ai appris par Lopatine que Bakounine répand le bruit que je suis un agent de Bismarck (...) le même soir (...) on m’a appris qu’un membre de la branche française et un bon ami de Pyat ont divulgué à une séance plénière de cette branche la somme que Bismarck m’a payé— : 250 000 frs. » (3 août. )

M. à E. : « M. John Stuart Mill a prodigué à notre Adresse de grands éloges. Elle a d’ailleurs fait beaucoup d’effet à Londres. Entre autre, la Peace Saciety petite bourgeoise de Cobden s’est offerte pour diffuser l’Adresse. n (8 août.)
De Ramsgate où il prend un repos, M. envoie à H. Jung, pour les présenter au C.G., la décision du Comité allemand de Genève concernant l’Alliance de Bakounine et une copie de la décision du bureau social-démocrate allemand tendant à l’ajournement du congrès de 1"A.LT. (12 août.)

Après s’être concerté avec E., M. adresse au bureau de la socialdémocratie une lettre dans laquelle il déclare que l’annexion de l’Alsace. Lorraine, projetée par la Prusse, créera entre la France et l’Allemagne un état de guerre permanent et conduira à une guerre entre l’Allemagne et la Russie. « Si les vainqueurs allemands concluent une paix honorable avec la France, la guerre (russo-allemande) émancipera l’Europe de la dictature moscovite, fera absorber la Prusse dans l’Allemagne, permettra an continent occidental un développement pacifique, enfin aidera au déclenchement de la révolution russe (...) Cette guerre a transféré le point de gravité du mouvement ouvrier continental de France en Allemagne. C’est pourquoi une grande responsabilité pèse sur la classe ouvrière allemande (...) ». Le bureau social-démocrate publiera dans un manifeste des extraits de cette lettre (22-30 août).

Septembre

M. renseigne Sorge sur les rapports du C.G. avec son premier correspondant américain (Hume), qui avait transgressé ses pouvoirs. Il l’informe qu’Eccarius est secrétaire du C.G. pour les Etats-Unis. « La guerre actuelle (...) conduira à une guerre entre l’Allemagne et la Russie aussi fatalement que la guerre de 1866 a conduit à la guerre entre la Prusse et la France (...) Cette guerre n° 2 engendrera l’inévitable révolution sociale en Russie. » (ler sept.)

M. expose an C.G. son point de vue sur les conséquences d’une annexion de l’Alsace-Lorraine ainsi que sur la position de l’A.LT. et des ouvriers allemands. Il est chargé de rédiger une seconde Adresse sur la guerre. I1 se prononce pour la cooptation par le C.G. de G.A. Lopatine, révolutionnaire russe. (6 sept.)
Le Conseil fédéral de Paris envoie à M. sa proclamation au peuple allemand, accompagnée d’une demande adressée au C.G. de lancer un nouveau manifeste au peuple allemand. M. en informe E. et le prie de lui communiquer des « gloses marginales » sur l’Alsace-Lorraine qu’il voudrait utiliser pour la seconde Adresse. Il lui annonce que Serraillier ira à Paris pour « arranger les affaires de l’Internationale ». « Cela est d’autant plus nécessaire qu’aujourd’hui toute la branche française se rend à Paris pour y faire des bêtises au nom de l’Internationale. " Eux " renverseront le gouvernement provisoire, établiront la Commune, nommeront Pyat, ambassadeur français à Londres, etc. » (6 sept.). E. envoie à M. les notes demandées, qui seront incorporées à l’Adresse. (7 sept.)

En utilisant les commentaires militaires et les remarques de Dupont que lui avait transmis E., M. rédige la seconde Adresse de l’A.I.T. sur la guerre. Il exhorte le prolétariat français à « profiter de la liberté républicaine pour procéder méthodiquement à leur propre organisation de classe ». L’Adresse se termine par ces mots : « Si les ouvriers oublient leur devoir, s’ils demeurent passifs, la terrible guerre actuelle ne sera que la fourrière de conflits internationaux encore plus terribles et conduira dans chaque nation à un triomphe renouvelé sur l’ouvrier des seigneurs du sabre, de la terre et du Capital. » (9 sept.)

M. s’irrite du « manifeste chauvin » des Parisiens  : « Ces gens ont l’audace (...) de m’envoyer des instructions télégraphiques (...) pour me dire comment je devrais mener l’agitation en Allemagne ! Ici, j’ai tout mis en œuvre pour que les ouvriers (...) forcent leur gouvernement à reconnaître la République française. » (à. E., 10 sept.)

E. à M. : « Si l’on pouvait intervenir à Paris, on devrait empêcher les ouvriers de déclencher une action avant la conclusion de la paix (...) Ils n’ont rien à perdre s’ils attendent (... ) se battre pour la bourgeoisie contre les Prussiens serait folie. » (12 sept.)

M. et les membres du C.G. assistent à une réunion ouvrière en faveur de 1a reconnaissance de la République française. (13 sept.)

M. exhorte E.S. Beesly à s’employer pour la reconnaissance de la République française par l’Angleterre. « Permettrez-vous à votre reine et à votre oligarchie d’abuser de l’immense influence de l’Angleterre, sous le dictat de Bismarck ? » (12 sept.) Il informe C. De Paepe de l’arrestation du comité de Brunswick et dénonce le chauvinisme des ouvriers français, en citant une lettre de 5erraillier. Et il poursuit : « Tout cet état de choses disparaîtra (...) devant 1a capitulation prochaine et inévitable de Paris. » (14 sept.).

M. envoie l’Adresse à Kugelmann : « Mon temps est tellement absorbé par les "affaires internationales" que je ne me couche jamais avant trois heures de la nuit. » (14 sept.) A Engels : « II est fort bon que les Français se montrent tels qu’ils sont. (...) La classe ouvrière ne sera d’ailleurs poussée à l’action que sous la pression des persécutions directes par l’Etat. » (14 sept.)

M. envoie à plusieurs journaux anglais une information sur l’arrestation des membres du bureau du Parti social-démocrate allemand. (14 sept.)

Par l’intermédiaire d’Engels, M. charge Dupont, secrétaire du C.G. pour la France, résidant à Manchester, de protester au nom de l’A.I.T. contre le manifeste chauvin de 1a section de Marseille. (M. à E., lb sept.)

M. prie E.S. Beesly de publier un article sur l’A.I.T. et ses Adresses sur la guerre dans Fortnightly Review pour dénoncer la conspiration du silence de la presse anglaise « libre ». (I6 sept.) Il communique à Pleeely les documents nécessaires ; l’article de Beesly paraîtra le 1°r nov. 1870. M. y est présenté comme l’homme le plus influent dans l’Internationale et la plus grande autorité en ce qui concerne l’histoire

M. commente devant le C.G. l’arrestation des membres du Comité de Brunswick. Sur sa proposition, E., qui vient de s’installer à Londres, est élu membre du C.G. (20 sept. et 4 oct.)

M. parle au C.G. des mesures de répression contre les ouvriers en Saxe et se prononce pour une campagne visant à l’abolition de la clause additionnelle du Traité de Paris (1856) qui paralyse l’action militaire de l’Angleterre et renforce la position de la Russie. (27 sept.)

M. donne des instructions à Applegarth chargé de conduire une délégation auprès de Gladstone en vue de la reconnaissance de la République française. (fin sept.)

Octobre

M. parle au C.G. de la campagne pour la reconnaisance de la République française par le gouvernement anglais. (1 oct.)

Au C.G., M. commente le putsch tenté par Bakounine à Lyon. (11 oct. )

Sur la proposition de M., le C.G. prononce un blâme à l’adresse du conseil fédéral belge qui ne donne aucune publicité aux manifestes de I’A.I.T. (18 oct.)

M. écrit à E.S. Beesly au sujet de la Commune de Lyon. Constituée par des ouvrier, et des républicains, elle fut la première à proclamer la République et son action eut « un retentissement à Marseille et à Toulouse où les sections de l’Internationale sont fortes. Mais ces ânes de Balcounine et de Cluseret sont arrivés à Lyon et ont tout gâté (...) L’Hôtel de ville a été pris (...) et les décrets les plus fous ont été lancés visant à l’abolition de l’Etat, et des stupidités similaires. Vous comprenez que le seul fait qu’un Russe (...) vienne s’imposer comme le chef d’un comité de salut de la France était tout à fait suffisant pour faire tourner l’opinion publique. (...) A Rouen, comme dans la plupart des autres villes industrielles de France, les sections de l’Internationale, suivant l’exemple de Lyon, ont fait pratiquer l’admission officielle dans les " comités de défense " de l’élément ouvrier. Toutefois, je dois vous dire que d’après toutes les informations que j’ai reçues de France, la bourgeoisie dans son ensemble préfère la conquête prussienne à la victoire d’une République de tendance socialiste. » (19 oct.)

Au C.G., M. commente l’activité de Lafargue en faveur de l’Internationale à Bordeaux. 11 propose la cooptation de Paul Robin comme membre du C.G. (25 oct.)

Novembre

Au C.G., M. donne lecture d’une Adresse des sections française et allemande de New-York aux ouvriers d’Europe sur la guerre, 11 signale l’antagonisme de classe croissant aux Ftats-Unis et propose une résolution invitant les sections française et allemande à constituer un Conseil fédéral. (1er nov.)

Au C.G., M. parle de la campagne des sections américaines pour la reconnaissance (le, la République française ; il commente en outre la résiliation par le gouvernement russe de la clause additionnelle du Traité ale Paris de 1856. (15 nov. )

A la demande de Wilhelm Braclce, accusé de haute trahison, en même temps que les autres membres du bureau du parti social-démocrate allemand, M. témoigne devant le Lord Mayor de Londres et déclare que ce parti n’avait jamais demandé à être admis comme branche ou section de l’Internationale et que de nombreux membres de ce parti avaient été admis à leur demande comme membres de l’A.I.T. à titre individuel. (17 nov.)

M. parle au C.G. des contacts pris avec les Trades Councils de Manchester et de Salford. II commente le procès imminent contre les membres du bureau du Parti social-démocrate allemand et la résistance opposée par les ouvriers allemands à la poursuite de la guerre. (29 nov. )

Sur la proposition de M., le C.G. décide d’exiger de ses membres une présence régulière (6 déc.)

F. Bolte, socialiste allemand résidant aux Etats-Unis, demande l’avis de M. sur la fondation d’un comité central de l’A.I.T. à New-York et l’informe des sections existantes à New-York et Chicago, ainsi que de la nomination de Sorge à la section allemande de New-York. (6 déc.)

M. informe le C.G. de la fondation d’une section de l’A.I.T. à La llaye ; il se prononce pour le soutien, par les syndicats londoniens, de la grève des corsetiers londoniens et fait des suggestions au sujet du contrôle de la participation des membres du C.G. aux réunions. (13 déc.)

M. demande aux membres de l’A.I.T. de Hollande et de Flandres de lui envoyer les journaux locaux de l’Association. (Env. 18 déc.)

M. annonce au C.G. la formation d’un comité central aux Etats-Unis. (241 déc.)

M. rencontre fréquemment la révolutionnaire russe Elise Tomanovski, envoyée par la section russe de Genève, et discute avec elle des questions intéressant l’A.I.T. et le développement des communes rurales en Russie. (Mi-déc. 1870 - févr. 1871)

M. renseigne Kugelmann sur son activité au C.G. Il lui envoie les Adresses sur la guerre et l’article de E.S. Beesly sur l’A.I.T. ; il juge sévèrement le bourgeois allemand, « saoul de conquête » et parle du revirement de l’opinion publique en Angleterre (qui, d’ultra-prussienne s’est changée en son contraire) et de la connivence entre la Prusse et la Russie, des méthodes de guerre barbares de l’armée prussienne, etc. Il conjecture la possibilité d’un revirement de l’armée française et la résistance de Paris. « Quelle que soit l’issue de la guerre, celle-ci a exercé le prolétariat français dans le maniement des armes, et c’est là la meilleure garantie pour l’avenir ». Finalement, il revient sur la question du traité de paix de 1856 qui désarme la flotte militaire de l’Angleterre, mais n’empêchera pas celle-ci, le cas échéant, de détruire le commerce transmaritime russo-allemand. (13 déc.)

E. est chargé par M. d’envoyer une lettre de congratulation au 60 Congrès des sections belges de l’A.LT. (23 déc.)